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Allumage des feux à 5h45. Ca tombe bien, j'étais réveillée à 5h30. J’ai dormi comme un loir, j’ai apprécié la chaleur, enfin !, même s’il faisait un poil trop chaud… ce que n’a pas manqué de me faire remarquer Chris, que je surnomme désormais Bouba (mon petit ourson !). Il est grincheux ce garçon ! Trop chaud, trop de bruit… Il n’est bien qu’au grand air. D’ailleurs ma pire nuit fut sa meilleure et vice-versa…
A 6h40 je prenais la route, à la fraiche, avec juste un café dans le ventre, dégusté avec ma cigarette, à la sortie de ce gigantesque gite cinq étoiles (construit en 2010). N’en déplaise aux incrédules, je n’ai toujours pas écouté le moindre morceau de musique depuis mon départ ! Je n’en ai éprouvé aucun besoin.
C’est le départ. Je sais que le premier village, Burguete, n’est qu’à 2.9 Km de Roncevaux. Je m’arrêterai là pour petit déjeuner. Je pars sans prévenir Bouba qui me rattrape alors que je pose mon sac au bar. Un café, un jus d’orange pressé, une part de gâteau à l’orange et hop, c’est reparti.
Les paysages sont magnifiques et calmes : de grands chênes (chasse aux sorcières au XVIème siècle, sabbats organisés dans ces chêneraies !), des fleurs partout le long du chemin, les oiseaux nous saluent…
Puis c’est Espinal où un besoin pressant de toilettes jamais trouvées m’amène à faire mes besoins derrière une maison… Mmmmhhhh… désolée ! Les joies de la vie sur les routes… Le chemin continue, quitte la route, la retrouve, la croise un instant. Parfois en pierre, parfois en terre, rarement plat. Des gens me doublent. Je les doublerai aussi parfois plus tard. On se croise et toujours ces mots : « Buen camino ! ».
Lier connaissance est ultra simple. Il suffit de s’arrêter là où d’autres s’arrêtent. Je rencontre Gonzalo, 60 ans. C’est son troisième périple. Un à vingt, un à quarante et voici celui de ses soixante ans. « Je cherche toujours », me confie t-il. Une pudeur induite du pèlerin interdit un peu de demander quoi. Personne vraiment ne demande à personne ce qu’on vient foutre ici. Tant mieux je crois. Je serais bien emmerdée de dire pourquoi je suis là…
Nous repartons ensemble jusqu’à Viscarret où il retrouve des connaissances qui se sont posées au bistrot… Il s’y arrête, je continue, « Buen Camino ! ».
Deux magnifiques kilomètres plus tard, je rejoins Lintzoain et je me pose à la fontaine pour déguster une banane et un brugnon. Plusieurs dizaines de pèlerins passent et me saluent. Un papy bougon, avec sa canne, son béret basque et son chien, regarde passer tout ce monde d’un air dubitatif, confortablement assis sur le banc devant sa maison. Ca doit finir par lasser, il est vrai…
De nouveau en route, c’est une belle côte qui m’attend. Waouh. Les jambes piquent, le pas ralentit. Heureusement, il fait un temps magnifique et je garde le sourire. Je suis désormais sur les neuf derniers kilomètres de mon étape. Ca monte, ça descend, c’est beau mais fatigant et les forces me quittent kilomètre après kilomètre… Il me reste 1.50 euro en poche, juste de quoi me payer une barre énergétique à un petit camion providentiel, là, au milieu de nulle part. Ha ! Sont fort ces espagnols ! L’endroit est stratégique : il reste 4 Km, les plus durs et c’est une très raide descente qui m’attend. Elle ne finira d’ailleurs jamais. Ces quatre derniers kilomètres, j’en sens chaque pas, mes mollets m’insultent, mes pieds geignent et même mes mains, gonflées, menacent de grève imminente.
Enfin c’est Zubiri, ravissant patelin le long d’une rivière, géraniums aux fenêtres. Chris me fait signe de l’autre côté du magnifique petit pont de pierre. Il m’accueille d’un grand sourire et d’un gros bisou.
Il nous a gardé deux places dans le gite de son amie Maria, une ravissante espagnole d’une bonne quarantaine d’années, sympathique en diable et toute dévouée à ses pèlerins.
Une douche et une sieste plus tard, il faut se rendre à l’évidence : j’ai 82 ans. Après un repas au bord de la rivière avec Chris et le temps d’écrire ce journal, il est 20h30 et largement temps d’aller dormir…
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