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Je n'avais pas jugé utile d’en parler le premier jour… Un peu de positive thinking ne tue pas… Mais non !
Déjà dans le TGV, le temps m’inquiétait. Il pleuvait des cordes à Bordeaux, pas mieux à Dax et la même à Bayonne. Pas une goutte le soir à St Jean Pied de Port m’avait donné espoir mais la pluie a repris durant la nuit… Bien entendu, j’avais décidé de laver t-shirt, chaussettes et petite culotte : riche idée !!
Au matin il fait grand beau et cela me rassure un peu. Chris et moi plions le camp avant 9h. Il ne nous est pas nécessaire de partir tôt car nous n’irons pas à Roncevaux en une fois. Chris connaît un abri au col de Bentarte et c’est là que nous avons prévu de dormir. Cela permet de couper l’étape qui est connue pour être la plus difficile : 20 Km de montée avec 1300m de dénivelé… puis 6 Km de descente avec 400m de dénivelé… Il paraît que la descente finit de tuer les dernières volontés…
Petit-déjeuner copieux, courses pour trois repars et à 10h on démarre.
Aïe.
Aïeuh !
Mais !!!
Tout de suite ça grimpe ultra raide alors qu’on n’a même pas quitté la ville ! Ca tue les jambes. J’en chie mais je garde le sourire… « C’est la plus dure ! Tout le monde le dit ! ». Je me marre toute seule. Je suis sur le camino !! Bon OK, tout le monde me double mais je m’en fous. Bon OK, la plupart ont 20 ans de plus que moi et me doublent mais je m’en refous !!
Je sais que ma condition physique est nulle… Je fume un paquet par jour, je ne fais jamais de sport et je pèse 91 Kg pour 1m73. Donc bon. Qu’ils me doublent tous ! Je marche, à mon rythme et c’est tout ce qui m’importe ! Chris est déjà loin devant…
Au deuxième kilomètre, la pente, déjà raide, se raidit encore ! Je ris toute seule. Je me fous de moi-même et du ridicule de ma condition… J’ai une chanson dans la tête dont j’ai oublié la moitié des paroles. Peu importe, j’invente le reste :
« Dans l’Arsouilleuh, y’a pas d’jambe de bois !
Y’a des nouilleuh mais ça n’se boit pas !
La meilleure façon d’marcher, c’est encore la nôtreuh !
C’est de mettre un pied d’vant l’autre et d’recommencer ! »
Km 5 : une chambre d’hôtes propose massages et yoga… Bande de salauds ! Location, location, location !!
On quitte la route et on prend un petit chemin… Je me pose pour manger une banane… Et oui ! Déjà midi ! Arrive vers moi une pèlerine, Marie-Eve est québecoise… Elle fait au bas mot 120 Kg et marche, tout sourire, depuis Vezelay… Voilà. Et paf ! Dans les dents ! Coup de grâce : c’est son cinquième camino ! Si c’est pas un petit message pour bibi ça…
Km 6 : J’arrive à la table d’orientation où Chris m’attend ainsi que Marie-Eve. Elle repart illico : ses amis l’attendent au refuge d’Orisson, 2 km plus loin. Chris et moi cassons la croute « le regard posé sur le paysage » : pain, saucisson, fromage de brebis. Et c’est reparti.
Très vite Chris me distance encore et c’est au Km 8, au refuge d’Orisson que je le retrouve, autour d’un café avec la bande de québécois. Que ces gens sont sympas de Dieu ! Mais vite on repart. Le temps est menaçant… Ca monte, ça monte. Chris est de nouveau hors de vue.
Km 10 : un chien à trois pattes qui porterait parfaitement le prénom de Trompette décide de m’encourager. Il marche devant moi, s’arrête, se retourne, m’attend. Quand j’arrive à sa hauteur, il se remet en route… Cette petite danse dure sur un kilomètre quand, soudainement, il s’arrête, regarde en arrière et ne veut plus m’accompagner. Je comprends vite pourquoi…
Km 11 : Après les encouragements, les découragements prennent le relais : pluie battante, grêle, rafales de vent. Mes chaussures et mes chaussettes sont inondées en moins d’une minute et mon pantalon ruisselle. La température chute brusquement. Je dois donc m’arrêter pour mettre une veste sous ma veste de pluie. Ce déchainement des éléments continue pendant ce qui me semble être une éternité : 5 Km en côte. Je pleure quelques secondes, je crie de rage, je me répète : « BORDEL ! C’est la plus dure ! C’EST LA PLUS DURE !! ».
Au Km 16, je vois un abri et espère que c’est là que je vais trouver Chris. Que nenni. Je continue alors à marcher, abattue, épuisée, gelée, trempée, sachant que je n’ai de toute façon pas le choix. J’en arrive au stade où je suis sur le point de maudire Chris quand… je le vois arriver, trempé jusqu’aux os, en trottinant vers moi. Franchement, je crois que je n’ai jamais été aussi heureuse de le voir. « Ma belle, c’est particulièrement difficile… Tu te débrouilles comme une chef ! Je suis super fier de toi ! ». WAOUH. Sachant que le Chris n’est pas un déblatéreur de compliment, ça réchauffe. Il prend mon sac, m’annonce que le gite est « tout près ! » et repart… en jogging ! A tout à l’heure !! A mes 15 ou 16 Kg de moins à porter, j’ai l’impression de voler… pourtant c’est encore 4 Km sous la pluie et le vent que je marche, exténuée.
Arrivée à l’abri, j’y retrouve Chris, transi de froid : ses vestes n’étaient pas du tout imperméables et il est violet. Il faut se changer, vite, préparer nos lits respectifs dans cet abri que les pèlerins précédents des trois dernières années (date de construction) ont tout simplement saccagé. C’est un dépotoir… Qu’à cela ne tienne, on dormira là : vu le temps, monter la tente serait du masochisme.
La soirée est épique : je fais des coquillettes bolognese dans mon super mini réchaud, je réchauffe mon Chris tant bien que mal et après le diner, on meurt de froid. Je vois avec envie les grosses branches d’arbres qui trônent au milieu du gite et, transie par le froid, je décide de faire du feu. Chris me l’a déconseillé plusieurs fois mais voyant que je ne l’écoute pas, il décide de m’y aider. Il faudra cependant choisir entre la chaleur du feu et la mort certaine par asphyxie si on continue à s’obstiner : les anciens pèlerins (ou des sales mômes) ont cassé la vitre de la cheminée et donc, la fumée pénètre dans la pièce… Au final, et bien on choisira d’avoir froid mais de vivre. Une frayeur plus tard à cause d’un bruit dehors qui s’avèrera être… un troupeau de moutons (scène inoubliable : Chris en mode Batman s’approche doucement de la porte puis l’ouvre d’un coup sec pour surprendre le méchant qui veut notre peau et… tombe nez à nez avec des… bêêêêê !).
Ma grande fierté reste d’avoir fait découvrir l’aspirine comme remède aux courbatures à Chris… Il savait que c’était recommandé mais n’avait jamais essayé (même pas mal !). Deux heures plus tard, nous n’avions plus mal nulle part !
J’ai cependant rarement aussi mal dormi. A vrai dire, j’ai à peine fermé l’œil. J’étais transie de froid et n’ai pas réussi à me réchauffer.
Le lendemain, une descente difficile m’attend après une montée (ha bon ? on n’était pas encore au col ? Si mais un autre !) de 1.5 Km : 4.5 Km en pente raide mais au milieu d’une forêt magnifique au sol tapissé de feuilles mortes mouillées. Brouillard, odeurs, merveille.
L’arrivée à Roncevaux est étrange : un village (c’est beaucoup dire) avec un IMPRESSIONNANT refuge de pèlerins ultra moderne dans une bâtisse ancienne. Après une douche salvatrice, une lessive obligatoire et une sieste bien trop courte à mon gout, Chris vient me réclamer pour l’apéro. Puis c’est le diner du pèlerin dans une salle ultra bruyante et j’ai hâte de dormir. J’irai tout de même à la bénédiction des pèlerins de 20h… mais il est temps d’aller dormir ! Je tombe de sommeil !
Ma leçon du jour : « vous allez jusqu’à Santiago ? ». La réponse n’est jamais « oui ». On se rapproche du Insha Allah des musulmans : « c’est mon intention », « si tout va bien », « je suis partie, on verra bien jusqu’où je vais… ». Et oui, 800 bornes, c’est long !
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