Profile
Blog
Photos
Videos
« Tous les douze ans, l'Inde toute entière frémit, les villages s'agitent, les monastères se vident, des grottes de l'Himalaya descendent des ermites nus et barbouillés de cendres, de la côte de Malabar, du Cap Comorin, du Golf du Bengale, des Monts Vindhya, du désert du Thar convergent des charrettes de toutes sortes, des cortèges de moines, des bandes de femmes cachées par des rideaux blancs, des trains pleins de citadins, une foule prodigieuse assoiffée de sainteté : les pèlerins de la Kumbh Mela. »
Mircea Eliade, « L'Inde ».
***
Sur les conseils des Indiens de notre compartiment, nous descendons du train au niveau de la gare précédant celle d'Allahabad, afin d'éviter les mouvements de foule.
La chance nous sourit sur la route principale : un vélo-rickshaw ! Un vrai luxe alors que nous sommes entourés de millions de personnes... Trop heureux d'éviter des kilomètres de marche, nous donnons les coordonnées de notre camp sans même négocier le prix du trajet.
Nous sommes à la "Maha Kumbh Mela" d'Allahabad, le plus grand rassemblement religieux (et humain) de la planète. C'est ici, tous les 12 ans, que se réunissent des dizaines de millions d'hindouistes pour se baigner à la confluence des 3 grands fleuves sacrés de l'Inde et se faire absoudre de leurs pêchés. La mouture 2013 est d'autant plus exceptionnelle qu'un alignement astral inédit - le premier depuis 144 ans - est censé renforcer les vertus salvatrices des ablutions rituelles.
Ce qui nous surprend au premier abord, plus encore que la foule des pèlerins, est l'immense superficie sur laquelle s'étend le gigantesque camp de la Kumbh Mela : plus de 20 km² de tentes et de stands répartis en 12 « secteurs », destinés à accueillir les 100 millions de visiteurs attendus sur les 6 semaines de festival. Le pic d'affluence doit être atteint le lendemain de notre arrivée, 10 février, jour du « Main Bath » : 40 millions de fidèles.
Nous atteignons le secteur n°6.
Devant nous, un Shiva en plastique tourne sur lui-même au centre d'une fontaine. Des stands proposent de petites portions de nourriture contre des jetons en plastique qu'on achète à l'entrée du parc. L'ambiance est étrange, à mi-chemin entre le camp de réfugiés et la Foire du Trône.
Nous nous rendons sur notre camp et découvrons la petite couche sur laquelle il va falloir nous serrer. Mais quel soulagement d'avoir un « toit » !
Le responsable de l'assoce, un Indien d'une trentaine d'années, nous prend en sympathie. Il nous propose de l'accompagner pour son bain dans le Gange du lendemain matin. Nous nous empressons d'accepter les services de ce guide inattendu, et rejoignons la tente pour une courte nuit.
Nous quittons le camp à la première heure avec quelques locataires du camp pour une marche de plusieurs kilomètres jusqu'aux rives du Gange. Nous espérons arriver sur les lieux avant la masse des fidèles, qui avancent en lente procession dans une atmosphère brumeuse et mystique..
Il n'est que trois heures du matin mais la foule est déjà impressionnante. Après un goulot d'étranglement à déconseiller aux agoraphobes, nous débouchons sur une grande plaine.
Il n'est pas 5h quand nous parvenons à la rive. Nous assistons aux rituels de purification.
Autour de nous, les haut-parleurs relaient des chants religieux, entrecoupés des messages éplorés de mères de famille cherchant à retrouver leur enfant.
Le bain le plus spectaculaire est celui des « Naked Saddhus », ces ermites originaires des contreforts de l'Himalaya, nus, couverts de cendre, et qu'il est catégoriquement interdit de filmer sans accréditation professionnelle. Notre partenaire de chambre Italien brave la consigne ; cet outrage lui rapportera des images spectaculaires et quelques coups de bâtons de la part de la police indienne.
Nous passons la journée à explorer le reste du camp.
La taille du site est hallucinante. On en prend conscience depuis le pont principal, qui ne donne pourtant que sur un seul des douze secteurs du périmètre.
La foule est composée en majorité de familles indiennes traditionnelles, regroupées parfois par communautés autour de gourous. Dans le secteur 4 sont rassemblés les spectaculaires saddhus :
On croise plus rarement les fameux Nagas, entièrement nus :
Notre statut d'occidentaux nous donne quelques privilèges, comme pour atteindre le pont central en doublant une immense queue, sur proposition des policiers. Seule contrepartie demandée : une photo avec Agathe, prise en équilibre instable pendant l'escalade de la barrière de sécurité, au-dessus du vide.
Nous rejoignons la gare le lendemain afin de quitter les lieux. Un important dispositif de police a été mis en place suite à l'effondrement d'un pont la veille, ayant causé un mouvement de foule et la mort par piétinement de quarante personnes.
Le train pour Agra arrive en milieu d'après-midi, avec 5h de retard. Nous jouons des coudes et réussissons à monter dans le wagon ! Le confort n'est pas optimal, mais nous avons pu quitter la ville sans encombres… et nous dirigeons vers le Taj Mahal.
- comments
Flora Les mouvements de foule, c'est uniquement pour vous rappeler le métro parisien... histoire d'éviter un trop gros choc au retour!
Aline Encore une série de très très belles photos, et le commentaire est à la hauteur. La fin de l'histoire fait frémir.