07/08

Ecrit le 13/08

J'ai passé 4 jours très chouette chez papa à Brest. Ça m'a fait beaucoup de bien, vu les derniers événements... Et ce jour là, le 7, j'ai eu encore une fois la confirmation que le hasard n'existe pas. Si j'ai toujours grand mal à croire en "Dieu", je pense tout de même que quelque chose est là, bien parmi nous, entre nous, que les rencontres ne sont pas fortuites et que les choses arrivent pour une raison. La mort d'un être cher est bien évidemment très difficile à accepter et il semble impossible de trouver une bonne raison à la mort d'Ismail. En revanche, que "le hasard" se soit organisé pour me réconforter et me faire comprendre des choses, je n'en ai aucun doute.

Nous sommes allés déjeuner au Grand Pavois, un restaurant où papa aime bien m'emmener quand je viens le voir. Situé sur le port de plaisance, il faut bien avouer que la vue est belle, surtout en ce jour où il a fait fort beau... Nous étions assis à coté de deux dames d'un certain âge, qui rigolaient à peu près autant que nous, et qui n'étaient pas non plus en reste sur la picole... Elles ont pris le même vin que nous, après nous avoir demandé s'il était bon. J'avais choisi un Lalande Pomerol, ouais il était pas mal ouais... :-)

A la fin du repas, on bavarde un peu avec elles et là, c'est parti d'un truc tout simple - la météo - et de fil en aiguille on apprend que Mireille et son amie se connaissent depuis la maternelle. Et on apprend aussi que Mireille est veuve depuis peu, son mari est mort dans ses bras, dans leur voilier, après leur deuxième tour du monde, en train de préparer le troisième. La mort est récente, le chagrin est énorme : 24 ans de vie commune dont 12 tous les deux, sur un voilier de 12.70m... Le matin même de sa mort, il lui disait encore, comme tous les jours : "elle est pas belle la vie ? Qu'est-ce qu'on a bien fait de partir..."

Elle est en France depuis quelques mois, à essayer de régler les problèmes de succession... Le bateau est en indivision et les gamins du premier mariage de Monsieur font bien évidemment chier. La galère. Le voilier est à Sydney. Pour tout simplifier... Elle est logée par des amis. Je paye ma tournée de digestifs.

Et on papote, et on papote. Et comment on se ravitaille en tour du monde ? Et combien de jours de vivres on peut stocker ? Et comment elle a réussi à bluffer les pirates au large de la Colombie... Et le nombre de bouteilles de Pinard qu'ils ont emporté sur leur 13m (vous devinerez jamais !)... Une bonne femme, mais de la bonne femme quoi ! Papa remet une tournée de digestifs.

Et moi qui parle d'Ismail, de la plongée dont personne ne le remonta, de son corps disparu, de l'ironie du sort : lui qui passait son temps à enseigner aux autres comment faire dans ces moments-là... Lui qui ne serait JAMAIS remonté sans la personne... Rage de Mireille, elle même plongeuse. Elle paye sa tournée.

Tout ça se termine bien sûr avec Nadege et Mireille complètement bourrées, en larmes, dans les bras l'une de l'autre. Un moment fort.

Et l'autre pèquenaud qui n'a pas bougé son cul du bar depuis notre arrivée vers 12h jusqu'à notre départ, 18h30. Cet abruti se permet de dire que Mireille est une "alcolo relou". Ce pilier de bar bedonnant en jeune trentaine, qui, au mieux, n'est pas sorti de la rade de Brest n'a aucune idée de ce que je pense de lui, et tant mieux pour lui. Parce que moi, quand j'serai grande, j'voudrais être Mireille. Parce que si Mireille est si triste aujourd'hui, c'est parce que ce qu'elle a eu était vrai et beau et intense. Une vraie vie. Elle a gagné le droit de picoler et d'oublier sa peine dans l'alcool. Lui il y noie sa frustration, sa jalousie et la petitesse de sa vie. Et ce débile, ainsi que toute sa bande de potes, moi je les emmerde. Et je pense que Mireille aussi.

Nadege